mardi 23 mars 2010

Des fibres bâtisseuses de demeures et de devenir

La Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC) tenait à Strasbourg son 60e congrès sur la thématique de l’innovation et du développement durable, afin de  redéfinir les nouvelles perspectives qui s’ouvrent à une filière respectueuse de la planète, génératrice d’emplois en zone rurale et pourvoyeuse de nouveaux matériaux plus écologiques.

Le lin et le chanvre gagnent du terrain et conquièrent de nouveaux territoires. Leurs propriétés écologiques pourraient bien assurer à leurs fibres des applications jusqu’alors insoupçonnées. Si le textile représente à l’heure actuelle 90% des débouchés de cette culture et s’il est agréable de dormir dans du lin apaisant (et remarquablement thermorégulateur…), l’industrie aéronautique, automobile, la construction et la plasturgie, soucieuses de réduire leur empreinte écologique, lui assurent des parts de marché croissantes. « Les rétroviseurs de la Peugeot 207 contiennent 30% de chanvre » souligne Franck Douchy, le président de la CLC. La confédération européenne du lin et du chanvre fédère tous les stades de production et de transformation de quelque 10 000 entreprises : de la fibre de la plante au produit fini et du monde agricole à celui de l’industrie. Les perspectives de développement des fibres végétales sont considérables. Ainsi, « la nouvelle raquette  Flax Fiber d’Artengo, commercialisée par Decathlon, est fabriquée avec un composite de 15% de lin, en raison de son extraordinaire faculté d’absorption des vibrations ». Le créateur François Azambourg a dessiné une chaise pionnière, fabriquée par la société DCS, composée à 94% de lin pour ses « hautes performances identiques à celles de la fibre de verre » : il « offre un maximum de résistance pour un minimum de matière »  et « s’inscrit pleinement dans l’innovation et la modernité ».
Pour Ignaas Verpoest, président du comité scientifique de la CELC, « la richesse moléculaire du monde végétal présente pour la recherche un potentiel au moins aussi vaste que celui des ressources fossiles. Si l’on pouvait remplacer du jour au lendemain la fibre de verre ou de carbone par le chanvre ou le lin, il faudrait multiplier la production par 50 ».  


Au pays du lin et au fil de la planète…

Le lin est une matière ancestrale et universelle par excellence où se tissent les rapports de l’humain avec la vie et la mort. Dans l’Antiquité, il servait à emmailloter les nourrissons et à fabriquer des linceuls funéraires. Depuis une décennie, « la plus ancienne fibre textile au monde » est utilisée, comme le chanvre, en renfort de polymère et ouvre la voie à des « biocomposites permettant d’envisager une fin de vie des produits jusqu’à leur incinération ou compostage complets ».  Fibres naturelles et hautes performances sont conciliables, notamment en matière d’éco- construction où les fibres souples, absorbantes et résistantes du lin et du chanvre représentent une alternative écologique de choix. Tous les bâtiments construits à partir de 2020 devront présenter un bilan énergétique positif : un enjeu qui les positionne comme isolants de choix et comme « matériaux de construction à fort potentiel grâce à leurs qualités techniques, environnementales et économiques ». Bientôt une maison 100% lin et chanvre ? Si les fibres longues du lin sont utilisées depuis toujours pour créer de beaux tissus de décoration, elles investissent tout l’habitat et intéressent (tout comme la chènevotte de chanvre) les bâtisseurs pour la confection des cloisons, les âmes de portes ou les plans de travail. Les planchers en particules de lin, les revêtements de sol en lin, les murs en particules de lin ou le béton de chanvre (sans oublier la peinture écologique à l’huile de lin…)  s’installent doucement mais sûrement… à demeure : « Les départements Recherche & Développement planchent pour remplacer les résines pétro-chimiques par des liants d’origine végétale ».
La culture du lin et du chanvre ne nécessite pas ou peu de pesticides et d’engrais et ne rejette aucun défoliant. L’eau de pluie assure son irrigation. Cultivées à 70% en Europe (90 000 hectares de lin et 15 000 de chanvre), sur le territoire même des usines de transformation (140 pour le lin et 20 pour le chanvre), leurs fibres permettent d’anticiper une industrie plus respectueuse de la planète.
La France est le premier producteur européen de chanvre industriel et de lin textile : 8 000 entreprises agricoles y cultivent le lin, assurant 15 000 emplois direct et 10 000 emplois indirects. Ces fibres bâtisseuses de demeures et de devenir, au plus près de la nature, feront-elles respirer toute la planète ?

Michel Loetscher

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